La couleur des ombres ¤ Colm Tóibín

Ma mère a trouvé ce recueil dans une boîte à livre sur une plage l’été dernier:  je l’ai enfin ouvert. Me voici donc plongée dans les nouvelles de Colm Tóibín, auteur irlandais que je découvre. Au programme neuf nouvelles où l’Irlande est très présente, mais aussi l’Espagne post-Franco, où Tóibín a vécu.

Expatriés, migrants, c’est la perte d’un parent qui souvent nous pousse à retrouver le pays natal. Trois nouvelles, fulgurantes, narrées à la première personne du singulier, cognent comme le journal intime d’un homme qui fait face au retour en Irlande écrit à un ancien amant, se souvient de la mort de sa mère ou de ses années chaudes et sensuelles dans des appartements de Barcelone où des hommes se caressent et se respirent.

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Le retour au pays c’est aussi se confronter aux autres, les rencontres du passé, les amours déchirées ou ce qu’il reste de la famille. Mais c’est peut-être aussi se retrouver soi.

Dans La rue, mon coup de cœur de nouvelle, on rencontre Malik, un jeune Pakistanais immigré à Barcelone qui à défaut de savoir couper des cheveux va vendre des téléphones pour son patron et partager une chambre avec d’autres immigrés. Parmi eux, Abdel, silencieux et taciturne, dont l’odeur, le souffle et le corps attirent Malik avec puissance. Tóibín écrit le désir, l’amour et l’acte sexuel avec des mots vrais, forts et palpitants.

Je n’avais jamais lu Tóibín et je dois dire que j’ai été très émue et sensiblement touchée. Seulement deux nouvelles m’ont laissée de marbre: les deux nouvelles éponymes- La couleur des ombres et La famille vide que j’ai trouvé en décalage par rapport à la puissance des autres, plus imposantes et sensuelles (je pense aussi à Les pêcheurs de perles qui est superbe et marquante!).

L’écriture de Tóibín vient appuyer du bout du doigt les bleus de l’expatriation, du silence, des confrontations familiales et en même temps nous ensuque d’effluves de désir, d’amours nouvelles, de la découverte de sa sexualité. Certains passages frôlent l’érotisme et le rapport à la famille est d’une authenticité rare.

On tourne les pages comme on défait les draps d’un lit pour s’y allonger. Très beau.


La couleur des ombres (The Empty family) traduit par Anna Gibson pour les éditions Robert Laffont


UK - Edinburgh - Writers Attend Edinburgh International Book Festival
Photo Colin McPherson/Corbis

Né en Irlande en 1955, Tóibín est romancier, nouvelliste, scénariste et journaliste. Après avoir vécu quelques années à Barcelone, il voyage en Amérique du Sud, il est aujourd’hui professeur de littérature comparée à l’université Columbia à New York.

2 réflexions sur “La couleur des ombres ¤ Colm Tóibín

  1. flyingelectra 15 Mai 2020 / 8 h 34 min

    je connais son nom mais jamais lu, j’ai peur étrangement de ne pas accrocher à son style

    Aimé par 1 personne

    • lunedepassage 18 Mai 2020 / 10 h 34 min

      Ses romans ne me font pas spécialement envie, et deux nouvelles du recueil m’ont franchement laissé froide. Mais par contre les autres sont superbes.

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