Dark Emu, Black Seeds: Agriculture or Accident ? ¤ Bruce Pascoe

téléchargementVoilà le troisième volet de mon triptyque littérature Aborigène et insulaire du détroit de Torrès de cet été. Cette fois, on quitte la fiction pour cet essai passionnant qui m’a appris énormément, tout en faisant écho à ces deux romans Aborigènes : Carpentarie et La récolte. Dans cet essai, Bruce Pascoe, écrivain, poète et professeur Aborigène, s’appuie à la fois sur des journaux de colons européens datant du début du 19ème siècle mais aussi de travaux de chercheur.euses contemporaines, notamment en historiographie et archéologie. Il est question ici d’agriculture et du lien à la terre. Pascoe déboulonne le mythe des Aborigènes chasseurs-cueilleurs nomades en permanente survie dans un bush hostile, cliché alimenté par le récit narratif colonial australien et notamment par la création de ce qu’il appelle une « mythologie coloniale ».  Souvenez-vous du mythe de la terre vierge (que l’on retrouve dans l’histoire de la colonisation du Canada). Cette stratégie coloniale permet de dissocier les peuples Autochtones de leur passé pour mieux les dissocier de leur territoire et continuer à légitimer l’accaparement des terres Aborigènes.

Lire la suite

Carpentarie ¤ Alexis Wright

Je continue l’exploration de la littérature Aborigène et insulaire du détroit de Torres avec ce roman imposant, impressionnant et d’une grande richesse littéraire, que j’ai lu le plus lentement possible. C’est un livre qui invite à une lecture attentive, mais qui nous oblige aussi à accepter de ne pas tout saisir. J’étais très très curieuse de m’embarquer dans cette lecture puisqu’il est le premier roman d’une autrice Aborigène à être au programme du concours de l’agrégation d’anglais en France (2022/2023). Une plongée totale dans un pays « où les légendes et les fantômes vivent partout côte à côte, jusque dans l’air ».

IMG_20230826_184659_706

« Le serpent ancestral, créature plus gigantesque que les nuages d’orage, est descendu des étoiles, lourd de sa propre énormité créatrice. Il se déplaçait avec grâce – du moins si on le considérait avec l’œil d’un oiseau planant très haut dans le ciel. D’un oiseau qui aurait regardé le corps mouillé du reptile luire sous les rayons d’un soleil ancien, bien avant que l’homme ne fut une créature en mesure d’envisager le moment suivant. Descendu il y a des milliards d’années, le serpent a rampé sur son ventre pesant, et il a circulé dans tous les sols argileux et humides du golfe de Carpentarie

Lire la suite

La récolte ¤ Tara June Winch

Me revoilà après un break estival pendant lequel j’ai vécu le luxe de lire lentement, de savourer et, surtout, de découvrir une littérature inconnue : la littérature Aborigène. Le premier est un roman de l’autrice Tara June Winch, originaire de la nation Wiradjuri, dont je parle aujourd’hui. J’ai enchaîné avec un très long roman, très dense, riche et donc exigeant et extrêmement intéressant : Carpentarie de l’autrice Alexis Wright d’origine wanyi (roman au programme de l’agrégation d’anglais 2022 et 2023). J’en parlerai bien vite ! J’ai ensuite terminé ma virée livresque en Australie Aborigène avec l’essai Dark Emu: Black Seeds, Agriculture or Accident de Bruce Pascoe. Un livre passionnant sur l’usage de la terre (agriculture, aquaculture, artisanat, architecture) des peuples Aborigènes avant l’arrivée des colons européens, qui déboulonne le mythe de la terre vierge et l’image des Aborigènes chasseurs-cueilleurs survivant dans un bush hostile. J’ai a-do-ré cet essai qui témoigne de la création d’une mythologie coloniale et dans lequel j’ai appris tant de choses fascinantes sur différents peuples Aborigènes et les Indigènes du détroit de Torrès. J’en parlerai aussi sous peu. Mais pour aujourd’hui, je démarre avec La récolte, car c’est avec lui que j’ai fait mon entrée dans la littérature Aborigène.

Je suis né au Ngurambang – vous entendez ça ? – Ngu-ram-bang. Si vous le prononcez comme il faut, ça cogne contre le fond de votre bouche et vos mots doivent avoir le goût du sang. Tout le monde devrait apprendre le mot « pays » dans la langue ancienne, la première langue – parce que c’est le chemin qui mène à toutes les époques, aux voyages dans le temps ! Celui qui permet de retourner tout au début.

Lire la suite