Kiss of the Fur Queen (Le baiser de la Reine Blanche) ¤ Tomson Highway

Ah ! Je suis bien contente car pour une fois je vous parle d’un roman autochtone qui a été traduit en français et qui est surtout sorti en France cette année aux belles éditions Dépaysage. Il s’agit du roman de l’auteur cri Tomson Highway : Kiss of the Fur Queen (Le baiser de la Reine Blanche).

He could already taste the Cree on his tongue

Fils d’Abraham et Mariesis Okimasis, Champion et Ooneemeetoo grandissent dans le petit village cri d’Eemanapiteepitat, dans le nord du Manitoba. Chaque année à la rentrée scolaire, les enfants de plus de six ans quittent leur famille pour rejoindre la Birch Lake Indian Residential School : un pensionnat Catholique pour enfants autochtones dont la principale mission est l’acculturation afin de faire disparaître l’«Indien» en eux.

Leurs cheveux sont coupés, Champion est rebaptisé Jeremiah et Ooneemeetoo, Gabriel. L’anglais est déversé dans leur bouche, langue-macadam prête à couvrir le Cri de leurs histoires, de leurs chants, de l’amour des parents. La nuit, au dortoir des garçons, le Père Lafleur apparaît dans l’ombre et s’incline au-dessus des lits de Gabriel et Jeremiah.

Accompagnés de la Fur Queen (la reine de fourrure, traduit dans la version française par la Reine Blanche) qui incarne la figure du trickster, permettant d’illustrer la confrontation violente entre la culture canado-européenne et la culture crie, les deux jeunes hommes s’installent à Winnipeg. Champion apprend le piano avec passion et acharnement et Ooneemeetoo trouve des respirations dans la danse. Si l’un tourne le dos à la culture crie, l’autre s’y cramponne fermement. Il faut alors survivre aux blessures du pensionnat, au racisme systémique et à la solitude dans le Winnipeg des années soixante-dix où les langues et les histoires autochtones ne s’effacent pas, au contraire : elles aussi survivent.

« Tansi ».

Jeremiah stopped breathing. In the two years he had spent in this city so lonely that he regularly considered swallowing his current landlady’s entire stock of angina pills, he had given up his native tongue to the roar of traffic.

« Say that again? »

« Tansi, » repeated Gabriel. « Means hi, or how you doing? Take your pick. » He was smiling so hard that his face looked like it might burst. « Why? Cree a crime here, too? »

How strange Jeremiah looked. Clipped, his eyes like a page written in some foreign language.

Dans ce récit inspiré de sa propre vie (lui et son frère, René Highway, ont aussi fréquenté un pensionnat religieux, René a également suivi la route de la danse, comme Ooneemeetoo dans le roman), Tomson Highway colmate les failles de la langue-macadam en y insérant sa langue maternelle: à grands coups de mots, de phrases, de chants en cri. Les voix de la culture crie peuplent ce livre qui tantôt nous déchire et tantôt nous fait sourire.

Dans un roman très fort, où l’humour cri vient faire la nique au tragique et à la violence, l’auteur écrit comme on compose de la musique. C’est un texte qui suit une cadence : la course effrénée des caribous dans la neige, les doigts obstinés de Champion sur un Steinway, le cœur battant d’Ooneemeetoo, le rire puissant de Weesageechak et le repos des souffles, l’apaisement des silences.


Kiss of the Fur Queen, Tomson Highway (Cree), University of Oklahoma Press Norman (1998, 306 pages)

En français : Le baiser de la Reine Blanche, traduit par Robert Dickson aux éditions Dépaysage (Septembre 2022, 425 pages)


4 réflexions sur “Kiss of the Fur Queen (Le baiser de la Reine Blanche) ¤ Tomson Highway

  1. Carol 18 novembre 2022 / 14 h 53 min

    As-tu lu Kukum, par Michel Jean? C’est un autre livre qui porte sur la vie des autochtones. Disponible en français et anglais. En ce cas, l’histoire est basé sur la vie de la grand-mère de l’auteur.

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    • lunedepassage 18 novembre 2022 / 15 h 29 min

      Oui je l’ai lu aussi! C’est très différent en terme d’écriture, ce que j’aime particulièrement apprécié chez Highway c’est l’humour, l’emploi du Cree dans le texte et la figure du trickster qui revient souvent dans le texte. Il y a aussi Jeu Blanc (Indian Horse en anglais) de Richard Wagamese qui était beau, mais je crois que, maintenant, je préfère Highway!

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