La pêche au petit brochet ¤ Juhani Karila

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photo © Kilian Schönberger

Je m’enlisais dans une période où aucun bouquin n’arrivait à capter mon attention (ce n’est pas que tout m’ennuyait mais simplement que tout me passait au travers) et puis j’ai attrapé La pêche au petit brochet, roman finnois, avec sa couverture violette-rose, dodu comme une friandise. Faut dire que ce roman commence fort, en fait, c’est comme si quelque chose te poussait dans le dos pour t’y faire plonger. Nous voilà dans la tourbière en Laponie, les pieds dans l’eau brunâtre, essayant de sauter sur les mottes d’herbes pour éviter d’y laisser une chaussure. Je te préviens, c’est farci de moustiques, de taons et de mouches à chevreuil et le répulsif ne sert pas à grand chose: il fait si chaud dans La pêche au petit brochet, que la sueur nettoie l’anti-moustique.

Tu ne t’attendais pas à ça, quand je parlais de Finlande et de Laponie, n’est-ce pas? Moi non plus.

9782925141013-475x500-1Chaque année à la mi-juin, Elina Ylijaako prend ses congés et roule vers sa Laponie natale. Elle y passe trois jours et trois nuits à tenter de pêcher un brochet à l’étang du Pieu. Si les morsures de taon, les piqures de moustiques, la chaleur et la ténacité du brochet n’étaient pas assez d’épreuves, la Laponie est également habitée de floches, de grabuges et autres créatures décalées voir complétement givrées. Parmi eux, un ondin, sorte de génie des eaux cruel et joueur et Olli-Mangeclous, ancien valet de ferme des ancêtres Ylijaako, ressuscité en arbre géant, avec qui Elina signe deux pactes qui mettent sa vie en jeu.

Au bourg de son enfance, on se prépare pour la nuit de la gent redoutable, nuit où les esprits malicieux sont de sortie. Déboussolée (comme nous) mais imperturbable, Janatuinen, enquêtrice venue du Sud, recherche Elina qui y est soupçonnée de meurtre. La policière ne connaît rien du passé de la famille Ylijaako, des racontars et rumeurs que l’on se souffle entre villageois. Suivie par un teignon, sorte de bipède poilu un peu nigaud mais attachant, Janatuinen ne compte pas renoncer et s’enfonce dans cette aventure délirante imbibée d’imaginaire où chaque rencontre est insolite.

Deux fois maudite, Elina sera épaulée par son ami Hibou, Asko (un sorcier amnésique) et par une myriade de personnages (humains ou non) afin de sauver sa peau. Derrière cette mission impossible de trois jours, l’humour de l’auteur et l’immersion dans le folklore lapon, se cache une autre histoire, plus subtile: je n’peux point en dire grand chose, mais ça commence avec un bonnet, un caillou et ça finit avec le regard d’une fouine.

On passe de descriptions dignes de roman de nature writing à des dialogues complétement loufoques, d’une (en)quête insensée à des instants d’amitiés d’une grande tendresse. Je ne dirais pas qu’on est valdingués de droite à gauche, je dirais que si on laisse faire Karila, on est bons pour un sacré voyage.

Voilà, c’est l’histoire du roman qui m’a redonné le goût de la lecture et qui m’a fait un grand bien. Of course, j’ai pas pu m’empêcher de penser à ce cher Arto Paasilinna, et j’pense m’en relire un d’ici peu.


La pêche au petit brochet de Juhani Karila, traduction Claire Saint-Germain pour les éditions La Peuplade. (2021)


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